Le vent de ce milieux de soirée était si fort qu'il faisait gémir la glace, impitoyablement, il emportait avec lui l'odeur si particulière des embruns et le son des vagues qui se fracassaient plus loin contre la côte.  La lune comme unique témoin de la scène illuminait la glace d'une lueur pâle, vacillante, branlante. Tant et si bien que le monde alentour, le temps et toute les choses, celles qui bougent comme celles qui ne bougent pas, semblaient totalement en suspend. C'était un de ces moments étrange qui semble tellement propice à tout et qui ne laisse pourtant place à rien d'autre qu'un silence profondément mitigé et sinistre.

Et puis il y avait Elle.
Elle qui se tenait là entre ciel et terre à la frontière entre une infinité de mondes différents qui , le temps de quelques instants, se chevauchaient. Comme une barrière, elle n'appartenait à aucun d'entre eux. Ni à la mer qui grondait, ni au vent qui hurlait, pas au ciel qui la couronnait d'étoiles ou encore au sol glacé qui réfléchissait sous elle le plafond déchiré de cette drôle de chapelle. On eût cru qu'elle flottait au centre d'une micro galaxie. Un monde pour elle toute seule. La lune donnait un air absolument maladif à son teint trop clair et le vent avait totalement balayé ses cheveux noirs sans parvenir à troubler son apathie. Comme si ni le temps, ni les éléments, ni l'attraction terrestre, ni quoique ce soit ne pouvait avoir d'impact sur ce qu'elle concevait en son fort intérieur.

Normalement elle aurait du être au village dans la chambre qu'elle occupait chez « Tante Yû » depuis maintenant plus de deux ans, mais elle avait été envoyée plus loin pour une mission de reconnaissance et elle n'était pas revenue a temps. Elle faisait toujours les choses lentement, à son rythme, quand elle était seule et d'une certaine façon les gens du village avait fini par l'accepter. Alors elle s'était arrêté là pour regarder. Seulement regarder. Elle avait buté contre un rocher un peu plus loin et glissé sur une plaque de verglas et, au loin, l’écho du hurlement d'un loup avait répondu au bruit mat de sa chute.  Et elle s'était sentie rassurée, soutenue, en quelques sortes. Comme si c'était la preuve qu'elle n'était pas seule dans ce blizzard interminable.  Déjà elle pouvait deviner la silhouette du village au loin mais cela faisait plusieurs minutes qu'elle avait cesser sa progression. Bien que doublé de fourrure, son kimono était humide et elle avait froid.

Elle fut traversée par une quinte de toux.
Mais ça ne lui arracha pas un mouvement.

Ses grand yeux sombres scrutaient avec avidité le reflet du ciel que lui offrait la glace sous ses pieds, ils courraient vivement d'une étoile à l'autre et elle essayait mentalement de reconstituer les constellation qu'elle avait apprises avec Kagerou. Mais quelque part c'était comme si seule cette partie d'elle, ces prunelles sombres, était dotée d'une existence, d'une âme. Que le reste n'était pas accorder avec ses émotion. Comme si deux mondes entraient en collision en elle-même.

Elle éternua et quelques larmes lui montèrent aux yeux.
Reniflant légèrement elle essuya ses dernières.

Et puis Il était apparu dans son champ de vision, brusquement.
Les cris du vent avaient étouffé le bruit de ses pas et elle ne s'était même pas aperçue qu'elle n'était plus seule et en objective sécurité sur ce morceau de banquise. La possibilité de s'enfuir lui passa par la tête mais son évidente maladresse l'en dissuada. Et puis pour aller ou de toutes les façons ? Elle risquait de révéler la position du village. Elle ne pouvait pas non plus – et ce pour des raison qui lui semblaient évidentes – lui demander de décliner son identité et demander qu'elles étaient ses intentions. Et elle regretta de ne pas s'être pressée pour une fois ; vraiment sincèrement.

Alors, après l'avoir – pourtant – dévisagé pendant trop longtemps pour que sa technique ne soit efficace, elle décida de faire comme s'il n'existait pas. elle jugea que peut-être de cette façon il passerai juste sa route qu'elle pourrait rentrer se réchauffer. C'était stupide, elle aurait du le savoir.  Pourtant. pourtant !

Elle éternua.

Tante Yû lui avait toujours interdit de trop regarder les étrangers. «  Baisse la tête, fait l'idiote, mais reste pas avec , tu comprend mon petit ? » et elle s'était toujours pliée à cette règle avec une rare assiduité. Otoe était toujours très assidue dans tout ce que lui demandait tante Yû, principalement parce qu'elle ne voulait pas la décevoir et ensuite parce qu'elle était principalement de bons conseils. Sa confiance en la femme était inébranlable , elle était l'une des rares personnes qui l'avait acceptée dès son arrivée et sans porter de jugement sur ce qu'elle était. Elle l'avait aimée , immédiatement, et Otoe n'avait pas de points de comparaison, mais elle était sûre que Tante Yû était ce qui se rapprochait le plus d'une mère dans son entourage direct et au cours des dix-neuf années qui avaient composées sa vie.

C'était dans cette optique qu'elle avait décidé d'agir comme si de rien été et attendre seulement que l'homme – inconnu au bataillon – passe son chemin. Elle avait toujours eût cette capacité de concentrer tout son être sur une unique chose et de rester totalement hermétique à ce qui se produisait alentours. Néanmoins, lui, ne l'entendait pas de cette façon et la panique saisit la jeune femme lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'avançait dans sa direction, les paumes en avant. Elle avait vu suffisamment de shinobis agir, pour savoir que ce n'était pas anodin. Pas forcément et elle s'emballa quand elle ne sus pas si elle devait le prendre comme une menace ou non.

De la même manière elle devait trouver un moyen de lui cacher ses propres faiblesses. Malgré tout ce que l'on tentait de lui faire croire, son mutisme était un véritable problème. Elle ne pouvait ni prévenir de l'approche d'un danger, ni crier à l'aide. En cet instant précis elle était totalement seule face à un étranger dont les intentions n'étaient pas des plus claires. Le fait qu'il connaisse l’existence du village en faisait nécessairement un shinobi et il n'en était que plus problématique à ses yeux. Mais son corps n'avait pas bougé, comme si elle tentait, de cette façon, de disparaître totalement à ses yeux, effacer sa propre substance. Et finalement il était entré dans sa zone de confort et la demoiselle s'était tendue imperceptiblement.

« – Bonsoir...tu es une habitante de Kayo? »

Sa voix avait franchis la barrière de ses oreilles sans la faire frémir.

Elle se tenait là, droite, dans la neige, si invariablement stable qu'il était difficile d'admettre qu'elle était véritablement humaine. Comme si elle n'avait été qu'une marionnette grandeur nature parfaitement réalisée. Seuls ses yeux se tournèrent vivement vers l'inconnu. Quant à sa question elle réfléchis un moment à ce qu'elle devait y répondre et à la façon dont elle devait le faire avant toutes choses. Laisser outrageusement voir son handicap, ou pallier à ce dernier ? Dire la vérité ou s'en cacher ? Dans un unique mouvement fluide elle pivota l'ensemble de sa silhouette vers son locuteur et ancra ses yeux dans les siens. Comme si elle avait voulu l'enfermer dans quelque illusion que ce soit. Elle n'en possédait pas la capacité, mais la symétrie de ses traits avait toujours eu pour effet de mettre les gens mal à l'aise. Fermant lentement les yeux elle inclina positivement la tête une fois pour répondre par l'affirmative à sa question.

Elle ouvrit la bouche comme pour parler et désigna sa gorge incapable de produire un son, d'un indexe hésitant. Pour lui faire comprendre qu'engager le dialogue avec elle serai compliqué. Presque inutile même. Un de ses pieds glissa vers l'arrière dans une semi-position de fuite, penchant légèrement la tête , l'air interrogatif, elle le désigna lui avec son doigt.

Qui es-tu ? Que veux-tu?

Demande silencieuse.

Otoe ne fit pas le choix d'ignorer ses excuses, mais plutôt elle ne compris pas pourquoi il s'excusait. Avait -il fait quelque chose de mal sans qu'elle ne s'en rende compte ? Ma possibilité qu'il soit désolée pour sa cécité ne lui effleura même pas l'esprit. Elle n'avait jamais pu parler et ça ne lui manquait pas. Et personne ne s'était aventuré à la plaindre pour ça. Pour être parfaitement honnête elle rebutait trop les gens pour qu'ils aient quelque sympathie à son sujet.

« Je m'appelle Kazuchi » … « ce que tu fais ici en pleine tempête ? »

La tempête faisait rage il était vrai et il aurait paru stupide de dire qu'elle n'en avait pourtant pas conscience. Elle avait froid et les cris du vent lui déchiraient les tympans mais elle avait finalement mit un mur entre son « elle » physique et son « elle » intérieur. Comme si le contenu et le contenant avaient été deux chose totalement différente et indépendantes l'une de l'autre. Elle resta un moment immobile face à la question de son locuteur se demandant comment elle pouvait lui faire comprendre ce qu'elle avait dire. Elle pouvait mimer , signer , mais peut de gens avaient la patience d'essayer de la comprendre.

Une bourrasque plus puissante que les autres mit en péril son équilibre mauvais par nature et souleva l'intégralité de sa masse capillaire pour dissimuler son visage. Et la pauvre se retrouva les fesses dans la neige. Elle n'eût même pas le réflexe d'amortir sa chute ni ne tenta de se redresser. Elle n'avait certainement pas les réflexes d'un shinobi , même pas ceux de la plupart des être humains mais c'était quelque chose d'habituel et la plupart des villageois s'étaient seulement fait à cette idée, cette façon d'être, de faire. Le froid engourdissait encore son corps de nature fragile et si peu porté sur l'exercice.

Son regard se porta une nouvelle fois sur la plaque de verglas à ses pieds et se redressa pour s'accroupir dessus. Enfin elle leva les yeux vers le jeune homme et montra avec sa main le vase désert de glace avant de pointer ses deux yeux à elle. Elle recommença deux fois l'opération. Je regarde. Elle sortit un Kunai de sa manche pour graver le Kanji dans la glace à ses pieds invitant son locuteur à lire si il ne comprenait pas ses geste.

Et c'était la vérité. Elle s'était seulement arrêtée pour regarder et avait oublié , perdu le fil du temps ou même qu'elle devait rentrer pour se mettre au chaud et en sécurité chez tante Yû. Et puis Kazuchi l'avait trouvée et elle avait sus que son départ serait encore retardé. Parce qu'elle ne pouvait pas fuir et ensuite parce qu'elle devait savoir ce qu'il avait appris sur Kayo et comment il l'avait sus. C'était son devoir en quelques sortes envers le village qui l'avait recueillie et dont le cimetière conservait le corps de son précédent protecteur.

Pourquoi connaît Kayo?

Elle grava difficilement dans la glace .

Pourquoi ici?

Elle questionna avec application. Parce qu'il le fallait. Même si Tante Yû disait que les jeunes filles ne devaient pas se battre. Qu'elle n'avait pas à faire ça pour personne. Mais Otoe savait que si elle faisait bien son travail alors Mitsutoshi-sama serai fier d'elle et la jeune fille mettait beaucoup d'application dans ce but. A la vérité Otoe était assez intelligente pour savoir qu'elle n'avait pas la moindre chance de se tirer vivante d'un combat avec son locuteur et ce n'était pas propre à cet homme, mais généralement elle n'était pas assez expérimentée pour être efficace. Sans parler du froid qui semblait engourdir même les glandes qui sécrétaient le poison dont son corps était habituellement enduit.

Mais Kazuchi n'était pas censé savoir toutes ces choses et peut-être pourrait-elle donner l'illusion qu'elle était potentiellement capable de défendre son village encore assez longtemps pour que Tante Yû envoie des gens à sa recherche. Et puis le silence la gagna une nouvelle fois alors qu'elle cherchait une nouvelle fois à aspirer l'âme de son vis-à-vis dans la profondeur de son regard comme pour lui défendre de lui raconter quelque mensonge que ce soit. Comme si elle avait été capable de le déceler.